RUCK ZONE. – Vous avez réalisé un grand coup en signant Paul Willemse…

Steeve Calligaro : « Oui, c’est un grand coup. Aux niveaux médiatique et sportif, le fait d’avoir signé Paul Willemse est quelque chose qui permet au Rugby Club Nîmois d’avoir pas mal d’audience ces derniers jours. Comme la plupart du temps au rugby, cela s’est fait par des rencontres. Paul Willemse était au MHR, un club avec lequel nous sommes partenaires puisqu’il y a un certain nombre d’échanges de joueurs chaque été, que ce soit au niveau de la formation, ou de l’équipe première. On entretient d’ailleurs de très bonnes relations avec ce club. On a appris comme tout le monde que Paul était en train d’analyser, avec des médecins, sa capacité à continuer à jouer malgré des commotions cérébrales importantes. Et durant cette phase-là, par le truchement du vice-président Nicolas Ricome, dont la femme est sud-africaine, on a fait une rencontre et des repas partagés. Ensuite, on a proposé à Paul de nous rejoindre pour nous conseiller.

Etant en arrêt maladie, il ne voulait pas médiatiser le coup de main qu’il nous donnait dans un premier temps. C’est la raison pour laquelle nous avons communiqué que depuis quelques jours, alors que la saison a commencé depuis juillet. On a la chance d’avoir Paul Willemse une fois par semaine pour conseiller nos avants, principalement sur le jeu d’attaque et les phases de conquête. Il nous apporte tout son charisme, son amour du jeu. C’est vraiment quelqu’un qui est passionné par ce jeu, passionné par les hommes qui y jouent et qui s’intègre dans n’importe quel club. Alors évidemment, c’est moins clinquant que ce qu’il a connu, mais il s’est intégré comme un poisson dans l’eau et fait aujourd’hui partie intégrante du staff.

On imagine que sa présence a dû impressionner le groupe…

Je ne sais pas s’il faut avoir été un grand joueur pour être un grand entraîneur. C’est un débat qui anime quelques fois les milieux sportifs, d’ailleurs… Mais en tout cas, Paul est quelqu’un de foncièrement passionné et d’une humilité et d’une gentillesse rares. Ce n’est pas le gars qui impose, c’est le gars qui propose, donne des conseils, qui est dans l’analyse fine des axes de poussée etc. Enfin, on pourrait en parler des heures, mais c’est quelqu’un qui n’est pas dans la démonstration. C’est quelqu’un qui est au soutien de manière très humble, qui parle de manière posée. Quand on a des champions qui ont la capacité, humainement, de se mettre à la portée de ceux à qui il parle, ça en fait des gens qui sont écoutés, voire admirés. Bien sûr, quand on le voit se balader au milieu de nos joueurs, déjà, on prend conscience de la différence de dimension physique. En fait, Willemse est un géant. Dans un pack de Nationale 2, on a quelques beaux profils également, mais c’est d’abord un physique et ensuite une gentillesse et une technicité. Ses conseils font bon choix. 

Sa présence peut-elle vous ramener un peu plus de visibilité ?

On a la meilleure affluence de Nationale 2 depuis maintenant trois ans. Le stade est quasiment plein. Il est évident que ça va participer à un certain essor médiatique. J’ai eu pas mal de contacts de journalistes ces derniers jours et là, je viens de recevoir de Nicolas Ricôme, qui est le contact qui a permis à Paul, Willemse de signer, un article sud-africain. En Afrique du Sud, il y a un article dans lequel le Rugby Club Nîmois est cité. C’est à la fois rigolo mais c’est aussi très bien parce que ça couronne tout un projet. On a pris le club il y a quatre ans et c’est un club qui se structure, qui est ambitieux sur une ville moyenne mais historique du rugby. Tous ces coups de pouce, qu’ils soient techniques, mais médiatiques aussi, participent à faire avancer plus vite le projet. 

Nîmes est-il un club de plus en plus ambitieux ?

Il faut se méfier avec l’ambition. Vous savez, on a une culture spéciale dans ce sport. On aime à la fois l’ambition, le professionnalisme et le côté clinquant. Et à la fois, on connaît les méthodes pour arriver à la victoire. Elles sont collectives, faites d’humilité. Ceux qui se prennent pour d’autres dans notre sport sont vite remis à leur place. Donc, oui, on est ambitieux. La trajectoire est posée. Le Rugby Club Nîmois doit être a minima en Nationale à côté de clubs comme Albi, Narbonne ou encore Bourgoin. Le club, depuis dix ans, est reparti des bas-fonds du championnat. Ce n’est péjoratif. Il est reparti de Fédérale 3, je crois, il y a une dizaine d’années, suite à des problèmes financiers. Il était en Fédérale 1 il y a encore trois ans.

Il est en Nationale 2 aujourd’hui avec une équipe semi-professionnelle sur les 37 joueurs. La moitié sont des professionnels exclusifs. L’autre moitié est sous-contrat, mais de manière pluriactive. On a doublé le budget du club. Alors, ça peut paraître aussi présomptueux de le dire, mais c’est le fruit d’un travail au niveau des partenaires et des collectivités. On a racheté la brasserie attenante au stade. On a créé un organisme de formation, une fondation. Donc, voilà, c’est un travail non seulement vertical pour travailler avec les partenaires et les agglomérations, la mairie, le département, la région, la communauté d’agglomération, mais c’est aussi un travail horizontal consistant à multiplier ce qu’on appelle les ‘business units’. Il y a cinq sociétés qui consolident le Rugby Club Nîmois et dont l’ensemble des bénéfices contribuent à l’élaboration du budget. Ça, c’est la construction de la base pour nous permettre d’aller plus haut parce qu’il ne s’agit pas de monter, de faire du bruit et de l’audience et que le club s’écrase en plein vol comme d’autres dans deux, trois ans. Nous, c’est notre club. Moi, je jouais à l’âge de six ans au club. Romain Tissot, qui est l’un des vice-présidents, a toute une famille issue du Rugby Club Nîmois. Nicolas Ricome est rugbyman. C’est pareil pour le comité directeur. On le construit avec les compétences qui sont les nôtres, de chefs d’entreprise passionnés de rugby, mais on construit pour durer, oui. Et on montera quand le fait sportif déterminera qu’on monte.

Comment fait-on pour faire cohabiter joueurs professionnels et pluriactifs ? 

Je pense que c’est le cas en Nationale 2, en Fédérale 1. S’il y a des pros, il doit y en avoir un ou deux par équipe, donc ce n’est pas le problème. Et je pense qu’en Nationale, à l’inverse, il y a 95 % des joueurs qui sont pros exclusifs. Donc, on est vraiment dans cette division qui est à cheval entre ces deux mondes. Il y a d’ailleurs dans notre poule des effectifs qui sont à 100 % pluriactifs et à l’inverse, il doit y avoir peut-être les clubs d’Orléans ou de Langon. Faire cohabiter un effectif professionnel avec un effectif pluriactif, cela oblige effectivement d’avoir des blocs temps sur la semaine, d’entraînements collectifs, où tout le monde est là et qui sont donc principalement le soir ainsi que des blocs individuels, axés sur la préparation physique ou un certain nombre de choses liées aux soins, aux ateliers spécifiques.

C’est aussi le cas de notre staff. On a deux entraîneurs, ceux des avants et des trois quarts, qui sont des pluriactifs, et qui bossent. Et on a Guillaume Aguilar, le manager, qui est quelqu’un de professionnel. Donc, ils ont réussi à caler des entraînements collectifs le soir, avec un jour off le mercredi. Ils se sont tous mis d’accord pour s’entraîner également le lundi de 11h à 14h pour avoir un entraînement collectif en journée. Tout le monde s’y colle. On sait très bien que pour monter en Nationale, il faut préparer l’effectif à être professionnel parce que ce n’est pas en un été qu’on trouve 40 joueurs pros. D’abord, on n’en a pas les moyens et ce n’est pas notre volonté parce qu’on veut aussi des gens qui soient en prise avec le territoire. C’est important d’avoir des gens qui sont issus de sa formation, des gens qui travaillent dans la ville. Là aussi, ça participe au rayonnement du club et à son identité.

« On a aussi une moitié d’effectif professionnel parce qu’à un moment donné, notre formation ne produit pas assez de joueurs pour l’équipe première. Et donc, quand vous allez chercher des joueurs sur le marché avec des agents, la plupart du temps, et à ce niveau-là, vous ne trouvez que des joueurs professionnels. C’est quelque chose à la fois d’un peu subi et d’un peu décidé. Ça doit être bien géré au quotidien »

Steeve Calligaro, président du RCN

La saison a démarré et on est plutôt contents de la cohésion de l’équipe. C’est quelque chose sur laquelle on a beaucoup insisté cet été. Nous ne sommes qu’en année une du projet. Il y a deux ou trois ans, on se retrouvait souvent dans les entretiens avec les joueurs avec des discours : « Oui, mais lui, il est pro, il ne donne pas assez », ou alors : « lui, il est pluriactif, il ne s’entraîne pas assez ».  Il y a toujours ces statuts. Je ne suis pas dans les petits papiers du Stade Toulousain, mais je pense qu’Antoine Dupont n’a pas tout à fait le même statut qu’un espoir qui fait quelques piges en équipe première. Et pour autant, ce sont des équipes, quand on les observe, qui ont des collectifs imparables. Donc voilà. C’est difficile, mais c’est un sujet de préoccupation. C’est un passage obligé. Et c’est l’un des points d’attention les plus importants de notre staff et de nos dirigeants. 

Arrivez-vous à suivre au niveau des infrastructures ?

C’est probablement ce qui pose le plus de difficultés à des clubs comme le nôtre. Mais même des clubs en Pro D2 ou peut-être même en Top 14.,Je lisais cet été des échanges entre Mohed Altrad, président du MHR, avec la mairie de Montpellier sur l’état de vétusté de leur stade. Ce sont quand même des grosses entreprises privées qui fonctionnent la plupart du temps avec, comme outil principal, un équipement sportif public. C’est une particularité de notre sport. En Top 14, il doit y avoir trois ou quatre stades qui appartiennent réellement aux clubs. Sinon, ce sont des infrastructures sportives publiques. C’est le cas de Toulon ou de Montpellier. Et c’est pareil pour nous. Nous avons des infrastructures… qui sont ce qu’elles sont. On peut qualifier le stade Nicolas Kaufmann de vieillissant et, effectivement, il commence à être un peu en retard par rapport aux standards et aux attendus du rugby professionnel. On demande aujourd’hui à ces stades que les partenaires puissent voir les matchs tout en dînant, avec des accueils, des expériences au stade, que ce soit au niveau de la restauration, des médias, de la sonorisation, de la capacité à accueillir les gens, des places de parking… des choses comme ça. On a un stade des années 70-80. On n’est pas les plus mal lotis mais c’est un sujet que nous avons avec la municipalité. Bon, après, on arrive là dans un temps d’élection, donc c’est compliqué. Les personnes avec lesquelles on traite aujourd’hui ne seront peut-être pas celles qui seront élues dans six mois. On travaille au quotidien pour faire évoluer ce stade. Aujourd’hui, une des problématiques posées par le développement du Rugby Club Nîmois est effectivement la capacité à accueillir dans de bonnes conditions ses partenaires.

Il y a un peu plus de 360 entreprises au réseau partenaire du Rugby Club Nîmois. Nous réalisons des petits déjeuners business ou par groupe de 15-20 entreprises qui ont des intérêts croisés. On leur demande de se présenter, cela créé du business entre elles. L’une des fiertés et un des facteurs de réussite de ce réseau, c’est qu’aujourd’hui, il y a des entreprises qui ne sont pas spécialement passionnées de rugby. Elles y viennent aussi pour faire des affaires, pour connaître des gens, pour se faire ouvrir des portes, pour se servir de la notoriété d’un club de rugby et de son image pour gérer leur communication. Il faut en revanche des capacités à les accueillir dans des bonnes conditions. Nous avons une limite de place. On négocie avec la mairie des extensions de dalles partenaires, pour tenter aussi de changer la sono, etc. On a une oreille attentive de la mairie et on a toujours pu compter sur elle en termes de subventions. Je les remercie de leur soutien. C’est vrai aussi pour la communauté d’Agglomération, du département et de la région. Mais ce souci d’infrastructures, aujourd’hui, empêche le club d’aller aussi vite qu’il pourrait dans son développement. Même si voter une nouvelle tribune ou voter des extensions d’espaces partenaires, ce n’est pas facile et ça prend du temps. Il faut être déterminé que ce soit du côté du club et du côté des politiques.

« Sur quatre sessions à l’année, il nous a été confiés 20 jeunes qui étaient en rupture au niveau personnel, social ou scolaire et apportés par la mission locale et France Travail. On s’est occupé de ces jeunes, on leur a fait passer le permis de conduire, on a tenté de leur donner des savoirs fondamentaux, on leur a fait croiser l’armée, la gendarmerie, des gens avec lesquels on est en partenariat, on leur a fait faire des CV avec des professionnels, on leur a fait faire des photos professionnelles pour leurs CV, et on les a, petit à petit, avec évidemment du sport soir et matin, amenés à une certaine employabilité. On les a proposés et présentés à nos entreprises partenaires sur des déjeuners thématiques, où ces jeunes ont pu, pour la première fois, converser avec cinq, dix, quinze chefs d’entreprise »

Steeve Calligaro, président du RCN

Quand on voit qu’une équipe de France de rugby fait depuis deux ans de meilleures audiences que l’équipe de France de foot, franchement, quelques fois, je me pince pour être sûr que je lis bien ce que je lis. Et donc, quand on a dans nos mains quelque chose comme ça, on veut le partager à tous les publics. Et effectivement, nous avons créé il y a deux ans une fondation qui s’appelle Rugby Coeur Nîmes, qui est une entreprise à projets et qui nous permet de répondre à des appels à projets, qu’ils soient sur toute la politique de la ville, mais c’est vrai aussi pour l’insertion, pour le handicap, etc. Je vais vous donner un exemple. RCN Insertion est programme dont le leader est la préfecture, mais co-financé avec le conseil général, l’agglo’ et la mairie. Sur quatre sessions à l’année, il nous a été confiés 20 jeunes qui étaient en rupture au niveau personnel, social ou scolaire et apportés par la mission locale et France Travail. On s’est occupé de ces jeunes, on leur a fait passer le permis de conduire, on a tenté de leur donner des savoirs fondamentaux, on leur a fait croiser l’armée, la gendarmerie, des gens avec lesquels on est en partenariat, on leur a fait faire des CV avec des professionnels, on leur a fait faire des photos professionnelles pour leurs CV, et on les a, petit à petit, avec évidemment du sport soir et matin, amenés à une certaine employabilité. On les a proposés et présentés à nos entreprises partenaires sur des déjeuners thématiques, où ces jeunes ont pu, pour la première fois, converser avec cinq, dix, quinze chefs d’entreprise. Un certain nombre ont trouvé des stages, d’autres ont trouvé des alternances, et je crois qu’il y a quelques embauches. Mais c’est vraiment pour nous la quintessence de notre engagement, parce que c’est faire sortir le rugby de son monde culturel qui est quelquefois un peu fermé, l’apporter à un public qui n’a pas forcément cette culture-là, dans les quartiers populaires. A Nîmes, il y a surtout les sports de combat ou le foot. Le rugby n’existe pas. Le handball fait aussi un beau travail là-dessus, mais ce sont des sports qui ont du mal à percer, parce que ça demande des infrastructures qui ne sont pas les mêmes. Nous avons aussi des engagements sur l’égalité homme-femme, sur l’éco-développement…

Que pensez-vous de votre début de saison ?

C’est un beau début de saison. Sportivement, on est sur le même modèle depuis maintenant trois ans, une équipe à moitié avec de très bons joueurs, la plupart du temps ayant joué sur les niveaux au-dessus. L’enjeu, c’est d’aller chercher des professionnels pouvant apporter quelque chose à l’équipe, et de marier ça avec une formation devant être vraiment efficiente. On investit sur la formation parce que l’avenir du rugby club, passe cette alliance entre des pros et des joueurs formés du club. Depuis trois ans maintenant, on fait d’assez bonnes saisons régulières mais on bute sur les premiers matchs de phase finale. C’est une frustration. Cette saison, on est passé d’un staff de deux personnes à un staff de trois personnes en faisant monter le staff des espoirs en équipe première.  En tout cas, on fait un bon début de saison avec un premier bloc constitué de deux déplacements et d’une réception. On finit le bloc avec deux victoires et un bonus défensif, on est deuxièmes. On gagne à Rumilly qui est une belle équipe, on gagne à la maison contre Lannemezan en y mettant la manière. Il y a un groupe qui vit bien.

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