Pas besoin de ballon ni de sirène : à The Oval, la passion continue, à feu doux. Dans ce repaire des anciens de l’ASM, brasserie officielle du club, on parle de passes et de plats, d’essais et de souvenirs. Le lieu a la rondeur du partage et la fidélité d’un vestiaire : une géométrie du lien, dessinée en jaune et bleu. Reportage au comptoir où chaque bière, chaque chanson, chaque clameur raconte un bout d’Auvergne.
Le vent siffle entre les façades de l’avenue du Clos Four, un mardi d’octobre sans match ni clameur. Le Michelin dort encore. Sous ses grandes tribunes, la grande verrière de The Oval renvoie un éclat doré. La brasserie officielle de l’ASM frémit doucement. À travers les vitres, on devine des silhouettes, un feu de cuisine, des éclats de voix. On pousse la porte : l’atmosphère a une texture. Un mélange de bois ciré, de café torréfié et de cuir chaud. Au bar, la mousse se couche lentement sur les verres. Pas de cris, pas de chants – juste des murmures et des souvenirs.
En ce moment impossible de stopper l'éruption de Marcel-Michelin 🌋
— TOP 14 Rugby (@top14rugby) October 12, 2025
Deux succès de rang pour l'@ASMOfficiel et des actions d'anthologie capables de réveiller les volcans d'Auvergne 😮#TOP14 pic.twitter.com/Y7TXTeAANu
Il est midi trente à Clermont-Ferrand. Le soleil accroche le jaune des maillots, le bleu des écharpes, et un gamin tente de jongler avec un ballon taille 3 sous le regard amusé de son grand-père. À l’intérieur, le brouhaha est déjà une première mêlée : verres qui s’entrechoquent, serveurs en sprint, rires gras et effluves de bières ambrées. « La brasserie The Oval ne sert pas ici qu’à boire ou manger. C’est une seconde mi-temps, un vestiaire élargi, une cathédrale pour les fidèles de l’ASM Clermont Auvergne », glisse Gérard Soustons, fidèle supporter de l’ASM.
Interclubs des supporters
L’air sent la saucisse grillée et l’adrénaline. Au mur, tout est carré, des drapeaux aux posters. L’angle est parfait. C’est là où le rugby, celui qu’on aime, que l’on respire, que l’on rêve ou que l’on projette, prend forme. Sur une grande table, quatre hommes et une femme se penchent sur un plat de charcuterie. Les visages sont familiers : des épaules larges, des mains encore marquées par le cuir du ballon. Au milieu, le sourire d’Aurélien Rougerie, légende éternelle du club. Ici, le rugby clermontois se rejoue autrement : autour d’une table, d’un verre, d’un souvenir. Les anciens de l’ASM refont le match sans crampons, dans la chaleur du bois et l’écho des rires. Un lieu rond comme un ballon, antre de l’Interclubs des supporters, où le temps prend la forme d’un cœur.
Le Rugby, un sport d’appétit
« Ici, c’est le Michelin… mais avec des fourchettes », glisse Paul, serveur depuis l’ouverture de la brasserie en 2023. Derrière lui, sur un mur bardé de cadres photos, des visages familiers : Chouly, Parra, Domingo, Penaud. Le panthéon de l’ASM s’affiche comme un album de famille. On entre, on s’assoit, et d’un coup on n’est plus client, on est membre du club. Les chefs envoient les plats d’un geste précis : burgers maison, pièce de bœuf, truffade fondante. « Le rugby, c’est un sport d’appétit, non ? » sourit-il en essuyant ses mains sur son tablier. Derrière lui, la cuisine bourdonne comme une troisième ligne. À chaque service, les assiettes s’empilent comme des mêlées successives. Pas de triche, pas d’esbroufe : ici, on cuisine comme on plaque – franc et sans détours.
Ce soir @ChristopheUrios reçoit 80 abonné(e)s à la brasserie officielle ASM The Oval 💛💙 #YesWeASM 🏉 #YellowArmy pic.twitter.com/4GLGowzhFc
— ASM Rugby (@ASMOfficiel) April 11, 2023
Julien, 52 ans, abonné depuis 1998, ne manque jamais le passage par The Oval. « C’est notre chapelle. On s’y retrouve avant, en semaine, on y refait le match après. Même quand on perd, on reste ensemble. » Il lève son vin blanc, les yeux brillants : « Ici, tu ressors avec des amis, pas seulement avec une addition. » Un couple de touristes anglais, attiré par le mot “Oval” sur la façade, regarde la scène en souriant. Ils pensaient trouver un pub. Ils ont découvert un rite. À chaque essai de l’ASM, la brasserie devient tribune. Les verres claquent, les bras se lèvent, la joie déborde jusqu’à la terrasse.
Quelque chose (en nous) ne tourne pas rond ?
Entre deux services, le patron, Nicolas Delhostal, s’accorde une pause au bar. « Je voulais un lieu qui sente le rugby, pas seulement qui le montre. » Il tapote le bois du comptoir : « Ici, tout a été pensé comme une troisième mi-temps. On a gardé la convivialité des vestiaires, la fraternité des tribunes. L’idée, c’est que même un lundi midi, t’aies encore un peu du match dans le cœur.«
Une vieille paire de crampons trône au-dessus du comptoir, comme un talisman. La conversation roule sur les jeunes du club, les nouvelles recrues, la vie après le rugby. On parle d’épaule qui grince, de troisième mi-temps, de fidélité. The Oval, c’est un lieu où les générations se croisent. Les anciens racontent, les jeunes écoutent. Et à la fin, tout le monde trinque. À Clermont, on dit souvent que l’ASM, c’est plus qu’une équipe. The Oval, c’est plus qu’un restaurant : c’est la mêlée ouverte où l’âme jaune et bleue se ressert, encore et encore.