Sourire aux lèvres, voix apaisée et teint de jeunot, Yoann Laousse Azpiazu n’a presque pas changé. A 34 ans pourtant lors de la dernière intersaison, l’arrière, alors à Mont-de-Marsan, avait annoncé la fin de sa carrière professionnelle. Une nouvelle qui avait surpris les supporters montois mais qui sonnait comme une évidence pour l’ancien joueur de Dax également.
Aujourd’hui épanoui dans sa reconversion, toujours dans le rugby, Laousse Azpiazu a accepté de se confier dans les grandes largeurs à Ruck Zone pour évoquer son après-carrière. Il revient également sur sa nouvelle carrière de rugbyman amateur, en Régionale 3, au sein de son club formateur de Parentis-en-Born (Landes) qu’il aime tant. Lecture savoureuse.
RUCK ZONE : Comment se passe cette après-carrière professionnelle ?
YOANN LAOUSSE AZPIAZU : Je prends le rythme d’une vie plutôt normale, plus simple qu’avant, même si je reste quand même dans le milieu rugbystique. En tout cas, je peux profiter différemment de mes enfants, je fais des horaires qui sont un peu plus conventionnels et je me déplace un moins, pour le moment. On va dire que je le prends plutôt bien et je suis très content de ce que je fais. En tout cas, ça me va très bien.
Avais-tu anticipé et préparé cette retraite sportive ?
Pour le coup, on me pose beaucoup la question de si ça ne me manque pas ou si je n’ai pas des regrets d’avoir arrêté. Il est vrai que je me sentais quand même bien physiquement, je pense que j’aurais pu encore faire une saison au moins. Cet après-carrière, je l’avais préparé. Mentalement, j’étais prêt à arrêter et je l’étais sûrement depuis un petit moment. Je ne prenais plus de plaisir sur le terrain, donc à partir de là, la décision a été très simple. L’opportunité que m’a offert le club, à savoir de pouvoir obtenir une reconversion qui me plaisait, qui rentrait en tout cas dans mes projets professionnels et d’avenir, j’ai su la saisir. J’ai sauté dessus quand elle est arrivée et c’est ce qui fait aujourd’hui que je n’ai aucun regret. Rien ne me manque. Ma vie actuellement me convient totalement. Je retrouve du plaisir que je n’avais pas forcément en tant que joueur sur les derniers mois de ma carrière et ça, je pense que c’est le plus important.

Tu évoques un manque de plaisir. Quel était le problème ? L’exigence ?
L’exigence évidemment, se lever le matin, aller s’entraîner, être performant… Je suis quelqu’un de très exigeant envers moi-même, donc je le suis aussi envers les autres. Peut-être que j’en avais aussi un petit peu marre de continuer dans cette routine, avec cette usure mentale. J’ai fait 14 années dans le milieu professionnel, je me suis très rarement blessé, donc j’ai beaucoup enchaîné entre les matches et les entraînements… Je suis arrivé au bout de quelque chose. J’étais dans un environnement, l’an dernier, pas très positif. On perdait beaucoup de matches, il y avait une relation qui n’était pas la meilleure possible en interne. Je sortais d’une blessure, je m’étais donné beaucoup de moyens pour réussir à revenir à un très bon niveau.
Je n’ai pas réussi, donc pour moi c’est aussi un échec. Il y a eu un ensemble de choses qui a fait que la décision n’a pas été dure à prendre. J’avais quand même envie de continuer au départ, de refaire une année de plus, de ne pas finir sur ça, de repartir sur une saison avec une vraie préparation physique, sur un nouveau projet, en tout cas pour une saison pleine. Tout en sachant que ça pouvait être ma dernière saison. Je voulais encadrer les jeunes joueurs qui étaient là, parce qu’on avait des jeunes de qualité, notamment à mon poste. L’opportunité ne m’a pas été offerte là-dessus.
Quelle est ta reconversion ?
Je suis référent manager de l’équipe crabos à Mont-de-Marsan. Je suis employé à temps plein au sein de l’association du club. Je gère les petits et j’interviens aussi sur différents secteurs. Sur le scolaire d’abord, que ce soit sur les écoles primaires ou sur la section rugby du lycée Despiau. J’interviens aussi sur l’école de rugby, je gère les entraînements des crabos et j’interviens aussi au sein du centre de formation. C’est très passionnant. Je repars de zéro. Quand je suis de l’école de rugby ou du scolaire, évidemment qu’on parle moins de tactique, technique ou stratégie. En tout cas, pour moi, c’est très formateur et c’est ce que je voulais.
C’était important de repartir là où tout a commencé. Le club m’a permis d’avoir ces différentes missions et je les accueille avec plaisir. Je t’avoue que ce n’est pas toujours très reposant… Quand tu te tapes deux heures de scolaire le vendredi après-midi, ce n’est pas forcément la mission que je préfère le plus. J’aime être au contact de jeunes qui ne connaissent pas forcément le rugby, en essayant de leur donner le goût à ce sport-là. Sur mes missions auprès des crabos, je m’y investis du mieux possible. Alors je fais des erreurs mais j’apprends. Je me forme petit à petit.
Pour ta reconversion, le rugby sonnait comme une évidence ?
A la base, j’ai fait des études dans l’environnement. J’ai un Bac +2 dans ce domaine. C’était quelque chose qui me plaisait sauf que lorsque t’attaques ta carrière de joueur de rugby, tu rentres dans un moule où tout le monde parle aussi d’investissement immobilier, d’affaires… Moi aussi j’ai investi pas mal de mon côté. En tout cas, j’ai pu optimiser la partie rugby dans différents investissements. J’ai commencé ensuite à filer un coup de main à l’association il y a six ou sept ans. Avant le Covid. Et ça m’a plu. j’ai toujours été dans la transmission depuis tout petit, parce que mon papa était responsable d’une école de voile à Parentis, et à 16 ans, j’ai passé mon monitorat fédéral. J’ai moniteur de voile pendant 4 saisons. J’avais déjà ça, et en fait, c’est devenu plus ou moins une évidence par la suite. J’ai passé mon DE il y a deux ans au CREPS de Toulouse, et ça m’a conforté dans l’idée que je voulais me rapprocher de ça.

Tu es revenu dans ton club formateur de Parentis-en-Born, en Régionale 3. Les joueurs ont-ils cru à ta venue ?
Tant que je n’avais pas mis les pieds à l’entraînement, que je n’avais pas pris ma licence, je pense que c’était du vent pour eux (sourire). Même s’ils me connaissent très bien et que je suis quand même quelqu’un de parole, et de droit là-dessus, ça paraissait un petit peu gros pour qu’ils le pensent. Ils ont accepté de me voir arriver à l’entraînement et de prendre ma licence. L’an dernier, le club est reparti de zéro. Ils sortaient d’une fusion avec Labouheyre. Parentis était le club le moins bien placé à l’époque où ils ont fait la fusion. Le deal était que pour avoir séparation, c’était l’équipe la plus basse au moment de la fusion qui devait repartir de zéro. Donc en l’occurrence, c’était Parentis.
Quand j’ai vu que ma carrière professionnelle pouvait se terminer, j’en ai d’abord parlé à la maison. Je l’ai évoqué comme ça, et puis en fait je me suis dit ‘pourquoi pas, s’ils ont tous remis les crampons cette année, avec un peu de chance, je peux leur permettre de rester une saison de plus’
Yoann Laousse-Azpiazu
Le club a donc décidé de se séparer pour diverses raisons l’été dernier, et j’ai tous mes potes qui avaient arrêté il y a trois ou quatre ans, qui ont remis le bleu de chauffe. Alors certains ont pris la présidence du club, d’autres entraînent et d’autres ont repris les crampons. Moi, ça m’a fait plaisir parce que le club repartait aussi avec sa propre entité, avec une très bonne école de rugby qu’elle n’a jamais perdue. On la met souvent à l’honneur par rapport aux joueurs qui sortent, mais le club a décidé de repartir avec des gens du coin, des gens de Parentis, qui avaient vraiment envie de s’investir. Quand j’ai vu que ma carrière professionnelle pouvait se terminer, j’en ai d’abord parlé à la maison. Je l’ai évoqué comme ça, et puis en fait je me suis dit ‘pourquoi pas, s’ils ont tous remis les crampons cette année, avec un peu de chance, je peux leur permettre de rester une saison de plus’. Puis ils ont fait une très bonne saison l’an dernier. Cela m’a aussi donné envie de partager cette aventure avec eux, pour le club, parce que je savais très bien que le fait de venir allait peut-être mettre le club en avant, que ça allait leur permettre de fidéliser des joueurs qui ne seraient peut-être pas restés, parce qu’ils avaient le niveau pour plus haut.
C’était une décision pleine de sens. Pour l’instant je n’ai joué que deux matches. L’idée était qu’il n’y ait pas de contraintes de mon côté, et de leur côté non plus parce que je savais que je ne pouvais pas m’entraîner beaucoup. Je ne voulais pas non plus arriver et faire un entraînement, jouer, ou des fois ne pas m’entraîner et jouer. Cela se passe très bien mais ils n’ont pas forcément besoin de moi pour gagner. Ils jouent très bien. Il y a un beau groupe de jeunes, un beau noyau de purs Parentissois, qui ont entre 20 et 25 ans. C’est agréable de les voir jouer, et surtout de les voir s’amuser tous les week-ends sur le terrain. Ils sont hyper investis la semaine, il y a à peu près 30 mecs à tous les entraînements. Revoir le club comme ça, c’est vraiment bien.
Que penses-tu de ce niveau ? Toi qui passes quand même de Pro D2 à Régionale 3, soit huit divisions d’écart…
Physiquement évidemment, les mecs ne sont pas préparés. Il y a de tout. Il y a des joueurs qui sont pas mal mais je trouve que ce sont des équipes qui jouent quand même. On y retrouve des équipes qui essaient de bien faire les choses. Alors il y a un peu tous les styles… Certaines qui jouent à une passe, qui jouent pas très loin des rucks et il y a les autres qui essaient de déplacer le ballon, qui essaient de se structurer aussi. Non ce n’est pas mal du tout !
Quels sont tes objectifs avec Parentis ?
C’est de repartir au niveau auquel le club devrait être, peut-être en Régionale 1. J’ai était voir Yann Brethous (ancien capitaine du Stade Montois, NDLR) l’autre jour, qui jouait contre Roquefort avec Grenade (Régionale 2). Il y a un niveau d’écart, et physiquement déjà, il y a un pallier à franchir. Maintenant, Parentis reste quand même un club qui a toujours joué dans ces catégories-là. On est un petit peu en retard, il va falloir du temps pour arriver à ce niveau-là, Il y a aussi le contexte géographique qui fait qu’on n’attire pas forcément. On a le bassin pas très loin, avec des clubs beaucoup plus puissants, on est un peu éloigné. On a quand même un club qui est très bien structuré, avec des gens qui sont très investis.
On a une grosse cité scolaire à côté, donc il y a un lien aussi là-dedans, ça se développe très bien, donc l’idée c’est d’arriver à monter rapidement, au moins en R2 et si possible R1, et après de stabiliser le club sur ces niveaux-là. Et pourquoi pas jouer un petit peu la limite de de la Fédérale 3 à terme. Le fait que je vienne, c’est aussi pour leur filer un coup de main au niveau l’évolution et la reconstruction que le club peuvent avoir. Le club est sain, tout le monde s’amuse, et il y a aussi des résultats.

Faire venir du monde, c’est aussi rappeler Baptiste Serin ? Lui qui a été formé à Parentis également ?
Alors Baptiste Serin est évidemment dans un autre monde (rire). Lui, il croit qu’à 38 ans il jouera encore au rugby. Mais il est fou ! (Rire). Baptiste n’a pas encore fini, il est dans la fleur de l’âge, mais je lui laisse le temps de finir sa très belle carrière, et on se rappellera dans quelques temps. Je pense que d’ici là, il va s’en passer des choses. Je sais qu’il aimerait tellement faire partie de l’aventure, et jouer avec nous. Ce qui est sûr, c’est que je ne serai plus sur le terrain si ça arrive un jour.
Est-ce qu’il a réagi à ton retour au club ? Il t’a peut-être chambré ?
Il était comme un « pec » (fou, NDLR). Il est hyper attaché à notre club et à notre ville. Il aimerait partager tout ça mais il a un statut. Il est un peu plus jeune aussi. Il aimerait tellement qu’on rejoue ensemble mais ce sera sûrement pour son jubilé, rien d’autre.