Qui est ce « sécateur » australien devenu sénateur ?

Dans l’immensité ovale du Stade de France, à la veille d’un duel entre la France et l’Australie, il est tentant de poser un regard non seulement sur les joueurs actuels, mais aussi sur ceux qui incarnent l’âme du rugby australien. Quelques milliers de kilomètres plus loin, dans les couloirs du Sénat à Canberra, trône une figure qui fut autrefois l’un des maîtres du terrain.
Rugueux, véritable ferrailleur et féru aussi bien de rucks que de combat, David Pocock (à droite) demeure un des meilleurs troisième-lignes de l'histoire. Photo : Dave Winter/Icon Sport.
Rugueux, véritable ferrailleur et féru aussi bien de rucks que de combat, David Pocock (à droite) demeure un des meilleurs troisième-lignes de l'histoire. Photo : Dave Winter/Icon Sport.

Qui est ce « sécateur » australien devenu sénateur ?

Dans l’immensité ovale du Stade de France, à la veille d’un duel entre la France et l’Australie, il est tentant de poser un regard non seulement sur les joueurs actuels, mais aussi sur ceux qui incarnent l’âme du rugby australien. Quelques milliers de kilomètres plus loin, dans les couloirs du Sénat à Canberra, trône une figure qui fut autrefois l’un des maîtres du terrain.

Cinq ans après avoir raccroché les crampons, David Pocock a troqué le maillot des Wallabies pour un costume de sénateur à Canberra. De la mêlée à la tribune parlementaire, son parcours est l’un des plus exemplaires de la génération des sportifs engagés : un combat pour l’écologie, pour la transparence, pour une politique « autrement » et pour la communauté LGBTQ+.

À l’aube d’un France – Australie pétillant, une question (comme une autre) se pose : que devient l’ancien flanker et capitaine des Wallabies ? Il y a des trajectoires qui semblent écrites d’avance, et d’autres qui s’inventent au fil des fractures. Celle de David Pocock, 37 ans et trois Coupes du monde, appartient à la seconde catégorie. Longtemps, on l’a vu genou dans la terre, les doigts cramponnés dans la pelouse, plié sur un ballon comme on protège une vérité fragile. Aujourd’hui, on le retrouve dans un autre hémicycle, courbé non plus sur un ruck mais sur des dossiers de loi, animé de la même fièvre intérieure : empêcher le monde de glisser du mauvais côté.

Dans la mémoire rugbystique, Pocock demeure ce troisième ligne magnétique, né au milieu de fermiers au Zimbabwe, façonné par l’exil et révélé par l’Australie. Un joueur tellurique, dense comme un bloc de roche, qui semblait toujours surgir du sol pour renverser le cours d’un match. Mais derrière la musculature et le casque vissé sur le crâne se cachait une autre force : une conscience politique, une inquiétude pour la planète, une tendresse inaltérable pour le vivant.

Les réflexes du terrain

Il y a cinq ans, il a posé définitivement ses crampons. Certains se seraient tournés vers une carrière de consultant, un bureau climatisé, une vie rangée. Pas lui. Il a choisi la voie la plus improbable, la plus exigeante : se présenter aux élections comme sénateur indépendant. Non pour gagner une étiquette, mais pour briser celles qu’on lui assignait. Son credo : refuser les appareils, bousculer les habitudes, rappeler que la politique appartient à ceux qui la vivent, pas à ceux qui la verrouillent.

« Aucun joueur dans tous les « football codes » (soccer, footy australien, rugby à XV et à XIII, NDLR) n’était ouvertement gay, évoquait David Pocock dans un entretien accordé au journal L’Équipe en août dernier. C’est impossible, d’autant que certains ont fait leur coming-out à la retraite. Pourquoi avons-nous un sport dans lequel les gens ne peuvent pas simplement être eux-mêmes ?« 

Au Sénat, Pocock a gardé les réflexes du terrain : l’instinct du collectif, la parole directe, le courage de s’exposer. On raconte qu’il arrive avec des fiches interminables, soigneusement annotées, comme d’autres analysent des mêlées vidéo. Il parle de climat avec la ferveur d’un amoureux des terres rouges de son enfance ; il parle de justice sociale avec la patience de ceux qui ont connu le déracinement.

Dans ses interventions, on retrouve quelque chose du rugby : une façon de prendre la ligne, de ne jamais reculer, de porter le débat jusqu’à l’en-but. « Ce que le sport m’a appris est transférable dans la vie, assurait le sénateur au quotidien national. Travailler en équipe vers des buts communs, avoir une bonne éthique de travail, être capable d’intégrer les critiques… Comme un joueur qui rate un match ou perd un ballon, tu es constamment attaqué, il faut l’accepter, ne pas le prendre personnellement, réussir à en dormir la nuit.« 

« Ne pas être un « professionnel » de la politique permet d’agir selon ce qui te paraît être dans l’intérêt du plus grand nombre« 

David Pocock

Ses adversaires politiques s’agacent parfois de cette intégrité rugueuse. On le dit idéaliste, intransigeant, incapable de composer. Lui répond que la compromission n’a jamais gagné un match, encore moins un pays. Il avance sans fracas, comme il plaquait : avec précision, avec loyauté, avec cette obstination qui ressemble à de la douceur quand elle est portée par la conviction. « Ne pas être un « professionnel » de la politique permet d’agir selon ce qui te paraît être dans l’intérêt du plus grand nombre, a-t-il affirmé à de nombreuses reprises, parce que tu ne sais pas comment tu es censé faire. C’est un atout pour défier le système.« 

Il plaque des inerties

Alors pourquoi évoquer aujourd’hui David Pocock, alors que la France s’apprête à défier l’Australie au Stade de France, demain soir (21 h 10) ? Parce qu’un pays ne se résume pas aux quinze hommes qui aligneront leurs crampons sur le rectangle vert. Parce qu’un sport dit quelque chose de ceux qui l’ont incarné. Parce qu’un ancien joueur devenu sénateur raconte mieux que quiconque la puissance subversive du rugby : ce mélange de brutalité et de fraternité, de solidarité et de révolte.

Pocock, lui, continue de plaquer. Non plus des adversaires, mais des inerties, des lobbys, des silences politiques. Il ne court plus sur la pelouse, mais il court contre le temps, celui du climat, celui de la démocratie. Et quelque part, dans la rumeur d’un stade, dans la tension d’un match à venir, on peut encore entendre l’écho de sa promesse : le rugby n’est pas qu’un sport. C’est un engagement. Un seuil à franchir. Une façon de tenir debout.

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