Pour Maryse Ewanjé-Épée, « la technique pure de course reste peu enseignée » dans le rugby

Ancienne athlète internationale, spécialiste du saut en hauteur et consultante reconnue du sport français, Marie Ewanjé-Épée pose un regard affûté sur le rugby moderne. Pour RuckZone, elle décrypte les liens profonds entre athlétisme et performance rugby, alerte sur le déficit de technique de course et plaide pour une formation athlétique plus intelligente, notamment chez les jeunes.
Maryse Ewanje Epee est désormais consultante pour France télévisions. Photo : Manuel Blondeau/Icon Sport.
Maryse Ewanje Epee est désormais consultante pour France télévisions. Photo : Manuel Blondeau/Icon Sport.

Pour Maryse Ewanjé-Épée, « la technique pure de course reste peu enseignée » dans le rugby

Ancienne athlète internationale, spécialiste du saut en hauteur et consultante reconnue du sport français, Marie Ewanjé-Épée pose un regard affûté sur le rugby moderne. Pour RuckZone, elle décrypte les liens profonds entre athlétisme et performance rugby, alerte sur le déficit de technique de course et plaide pour une formation athlétique plus intelligente, notamment chez les jeunes.

Ancienne championne d’athlétisme, Maryse Ewanjé-Épée s’est ensuite imposée comme consultante et commentatrice, avec une vision rare et pointue, nourrie par l’exigence du haut niveau et une approche pédagogique de la performance. Observatrice attentive du rugby (son fils joue à Massy), elle défend depuis longtemps l’idée que la qualité du mouvement est un levier majeur de performance… et de prévention des blessures.

En tant qu’ancienne athlète de haut niveau, comment percevez-vous le lien entre athlétisme et rugby ?

Il existe un lien évident, presque naturel. L’athlétisme, c’est la base de tous les mouvements sportifs : courir, sauter, lancer. Le rugby mobilise exactement ces fondamentaux, avec une particularité supplémentaire… la percussion. Là où l’athlétisme cherche plutôt à l’éviter ! Mais toutes les qualités développées en athlétisme – vitesse, coordination, puissance, rythme, endurance – sont indispensables au rugby, simplement dans un contexte collectif, beaucoup plus chaotique.

« À haut niveau, tous les sports finissent par se ressembler sur le plan physique. Le rugby d’aujourd’hui est rapide, explosif, exigeant sur la coordination et la capacité à répéter les efforts. »

Maryse Ewanjé-Épée

Les qualités athlétiques sont-elles devenues centrales dans le rugby moderne ?

Totalement. À haut niveau, tous les sports finissent par se ressembler sur le plan physique. Le rugby d’aujourd’hui est rapide, explosif, exigeant sur la coordination et la capacité à répéter les efforts. Même les avants sont devenus très athlétiques. On ne peut plus opposer rugby de contact et sport de course : aujourd’hui, le rugby est un sport de déplacement permanent.

La technique de course est-elle suffisamment travaillée dans les clubs de rugby ?

Pas assez, selon moi. Il y a eu une période, il y a une vingtaine d’années, où l’on faisait courir tout le monde de la même manière, parfois de façon absurde : des 400 mètres pour des piliers, par exemple. Aujourd’hui, les préparateurs physiques ont progressé, mais la technique pure de course – posture, placement du bassin, coordination, qualité des appuis – reste peu enseignée, surtout chez les jeunes.

« Courir vite, oui, mais surtout courir juste »

Quels types de courses sont les plus déterminants pour un rugbyman ?

Ce ne sont pas les lignes droites pures. Le rugby, ce sont des courses décalées, des changements de rythme, des appuis, des sorties de regroupement. Savoir passer d’un effort de poussée ou d’isométrie à une accélération très rapide sans se blesser, c’est essentiel. Courir vite, oui, mais surtout courir juste.

Peut-on faire le lien entre mauvaise technique de course et blessures ?

Clairement. Un joueur qui se déplace efficacement se fatigue moins et se blesse moins. Les transitions brutales – sortir d’un ruck et sprinter à pleine vitesse – sont très traumatisantes si le geste n’est pas maîtrisé. La technique de course est un outil de performance, mais aussi de prévention. C’est un enjeu majeur, notamment dans la formation.

« On ne peut pas simplement rajouter du contenu. Il faut accepter d’enlever un peu d’opposition ou de terrain pour faire de la technique. Et ça, culturellement, ce n’est pas toujours évident »

Maryse Ewanjé-Épée

Pourquoi ce travail athlétique est-il difficile à intégrer, surtout chez les jeunes ?

Parce que les séances de rugby sont déjà très lourdes. On ne peut pas simplement rajouter du contenu. Il faut accepter d’enlever un peu d’opposition ou de terrain pour faire de la technique. Et ça, culturellement, ce n’est pas toujours évident. Pourtant, apprendre à bien courir avant de prendre 15 ou 20 kilos de masse musculaire serait beaucoup plus logique.

Le rugby progresse-t-il malgré tout sur ces aspects ?

Oui, il faut aussi le reconnaître. Le rugby est devenu très athlétique, ça court vite et longtemps. Mais la différence se fait dans l’efficacité du déplacement, pas dans la pointe de vitesse. Ce n’est pas celui qui court le plus ni le plus vite qui est le meilleur, mais celui qui court intelligemment, qui sait se placer, se décaler, lire les espaces.

Le rugby à 7 semble plus naturellement tourné vers la course. Est-ce un modèle pour le rugby à 15 ?

Oui, clairement. Le rugby à 7 est presque une évidence quand on parle de déplacement. Tout y est basé sur la vitesse, les changements de rythme, la capacité à lire les espaces. On ne peut pas masquer une faiblesse athlétique. À 15, historiquement, le jeu s’est davantage construit autour de l’affrontement, mais on voit bien que les lignes bougent. Certaines nations, notamment les îles du Pacifique, forment très tôt des joueurs qui savent courir, se déplacer, avant même de parler de contact.

Maryse EWANJE EPEE – 21.04.2013 – Stade Francais / Racing Metro 92 – 25e journee de Top14 Photo: Amandine Noel / Icon Sport – Photo by Icon Sport

On observe pourtant des statistiques de plus en plus impressionnantes en rugby à 15…

Elles sont impressionnantes, oui, mais elles ne disent pas tout. Courir vite en ligne droite, ce n’est pas le cœur du rugby. Ce qui fait la différence, c’est la capacité à accélérer au bon moment, à se décaler, à changer de rythme sans se désorganiser. Un joueur peut faire énormément de kilomètres et être peu efficace s’il court sans intention. L’objectif, ce n’est pas de courir plus, c’est de courir mieux.

Peut-on comparer un ailier de rugby à un sprinteur ?

Pas vraiment. C’est un peu comme quand on compare des footballeurs à Usain Bolt. En ligne droite, personne ne rivalise avec un sprinteur. Mais le rugby ne se joue pas en ligne droite. Un ailier doit gérer les appuis, le ballon, l’adversaire, l’espace. Sur une course décalée, un sprinteur pur serait parfois en difficulté. La performance en rugby, c’est une vitesse contextualisée.

« Le rugby reste un sport de décision et de lecture du jeu. Pour convaincre, il faut partir des besoins du terrain, pas imposer une logique extérieure. L’athlétisme est un outil formidable, mais il doit être au service du jeu, pas l’inverse. »

Maryse Ewanjé-Épée

Certains entraîneurs issus de l’athlétisme ont-ils eu du mal à s’adapter au rugby ?

Oui, parce qu’ils ont parfois voulu transposer des modèles trop directement. Le rugby reste un sport de décision et de lecture du jeu. Pour convaincre, il faut partir des besoins du terrain, pas imposer une logique extérieure. L’athlétisme est un outil formidable, mais il doit être au service du jeu, pas l’inverse.

Quel regard portez-vous sur la préparation physique dans le rugby féminin ?

Le rugby féminin offre souvent plus de continuité et d’espaces, ce qui met davantage en valeur les qualités de déplacement. On y voit des courses plus longues, plus variées. Les qualités issues de l’athlétisme – coordination, endurance active, économie de mouvement – s’y transfèrent très bien. C’est aussi un terrain où la technique peut parfois primer davantage sur la puissance brute.

« Bien courir, bien se déplacer, c’est déjà être un meilleur joueur »

En tant que pionnière du sport féminin, comment voyez-vous la reconnaissance des qualités athlétiques dans les sports collectifs ?

Elle progresse, mais elle reste incomplète. On a longtemps résumé la performance à la force ou à la vitesse pure. Or, la vraie performance, c’est la maîtrise du corps, la capacité à être efficace sans se mettre en danger. Cette intelligence du mouvement mérite d’être davantage valorisée, chez les femmes comme chez les hommes.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes rugbymen et rugbywomen ?

Avant de vouloir être plus forts ou plus rapides, apprenez à mieux bouger. La technique, ce n’est pas accessoire. C’est ce qui permet de durer, de progresser et de prendre du plaisir. Bien courir, bien se déplacer, c’est déjà être un meilleur joueur.


Ce que l’athlétisme peut réellement apporter au rugby

Pour Marie Ewange Épée, l’apport de l’athlétisme au rugby ne se résume pas à « courir plus ». Il s’agit avant tout d’optimiser la qualité du geste. Sur la posture : courir haut, avec un bassin bien placé, permet une meilleure transmission de force et limite les contraintes articulaires. Pour la coordination : le lien bras-jambes est essentiel pour conserver de la vitesse tout en restant stable dans les changements de direction. Au niveau de la fréquence et de l’amplitude : trouver le bon équilibre entre cadence et longueur de foulée évite la surconsommation énergétique. Enfin, sur la gestion des transitions : savoir passer d’un effort statique ou de poussée à une accélération franche est fondamental en rugby, notamment à la sortie des rucks. Selon elle, ces éléments devraient être intégrés très tôt dans la formation, avant la prise de masse musculaire, afin de construire des joueurs à la fois puissants, efficaces et durables.


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