Depuis plusieurs saisons, le salary cap – c’est-à-dire le plafonnement de la masse salariale des clubs du Top 14 – structure la régulation financière du rugby professionnel français. Mais ce garde-fou, souvent présenté comme une sécurité pour l’équilibre économique, suscite désormais un retour de critiques médiatisées, portées notamment par ceux-là mêmes qu’il est censé protéger.
🏉 #Rugby | 🗣️ Antoine Dupont prend la parole pour dénoncer le salary cap imposé par la ligue, qu’il juge trop "invasif" pour les joueurs, a-t-il expliqué à l'AFP. pic.twitter.com/AMvKKxSFJL
— francetvsport (@francetvsport) October 2, 2025
Ce jeudi 2 octobre, Antoine Dupont, demi de mêlée du Stade toulousain et de l’équipe de France, a livré un réquisitoire sans détour contre ce dispositif, le jugeant trop coercitif pour les joueurs. À l’occasion du renouvellement du partenariat entre le Stade Toulousain et Peugeot, Antoine Dupont n’a pas caché son agacement. Le demi de mêlée, figure de proue du rugby français, a dénoncé le salary cap du Top 14 comme un carcan limitant la liberté contractuelle des joueurs. « Les règles du salary cap (…) nous empêchent d’utiliser notre image individuelle à travers des contrats de pub classiques« , a-t-il affirmé, reprochant que même des accords personnels doivent être « cités » auprès de la Ligue.
Une « chasse aux sorcières »
Le capitaine du XV de France est même allé jusqu’à pointer du doigt une forme de “chasse aux sorcières”, où les autorités chercheraient à “démasquer les tricheurs”, en imposant notamment aux joueurs de déclarer tous leurs partenaires, y compris ceux sans lien direct avec le club, et même d’enquêter sur leur “patrimoine”.
Actuellement, le plafond de la masse salariale pour les clubs du Top 14 est fixé à 10,7 millions d’euros jusqu’à la saison 2026–2027. Ce montant est déjà sujet à négociation entre présidents de clubs, et la LNR elle-même a envisagé des ajustements, espérant, selon son président Yann Roubert, un réexamen à la baisse. Cette mécanique de contrôle n’est pas uniquement théorique : elle a déjà engendré des dossiers ébruités.
Antoine Dupont a critiqué jeudi le salary-cap du Top 14, qu'il juge « trop invasif » pour les joueurs. Le demi de mêlée du Stade Toulousain dénonce notamment les restrictions sur l'exploitation par les joueurs de leur image individuelle.
— L'Équipe (@lequipe) October 2, 2025
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En avril 2025, le Stade toulousain a été tenu de verser 1,3 million d’euros à la LNR pour solder des poursuites liées à un transfert contesté, celui de Melvyn Jaminet en 2022. Le club avait été suspecté d’avoir enfreint les règles du salary cap pour payer la clause libératoire de Jaminet, et un règlement par médiation avait été trouvé.
Du côté de Toulouse justement, Dupont se dit soucieux d’un juste partage : selon lui, l’économie du rugby se « porte bien » – droits TV, affluence, visibilité – mais les joueurs ne bénéficieraient pas pleinement de cette croissance, d’autant que leurs salaires stagnent, voire baissent.
Clarification sur le droit à l’image
Quelques heures plus tard, la Ligue nationale de rugby a réagi publiquement, via un communiqué, afin de recadrer les critiques. Selon elle, le système de salary cap est “essentiel pour préserver à la fois l’équité sportive et l’équilibre économique” des clubs. Et surtout, « la LNR n’interdit en aucun cas à un joueur de disposer de son droit à l’image« . Elle précise que seuls les contrats conclus avec des entreprises partenaires du club doivent figurer dans le calcul du salary cap, pour garantir « la transparence » et empêcher des rémunérations indirectes déguisées.
La LNR reconnaît néanmoins le caractère sensible du débat. Elle indique qu’une réflexion de fond est en cours sur le périmètre du mécanisme : son montant, son assiette, ses modalités de contrôle. Et surtout, que les joueurs, via le syndicat Provale, seront parties prenantes de ce travail d’évolution. Les modifications éventuelles seront soumises au comité directeur dès début 2026, pour une possible mise en œuvre à partir de la saison 2026-2027 ou 2027-2028.
Duel de communication
La confrontation entre Dupont et la LNR illustre un conflit structurel dans lequel le rugby professionnel français est embourbé : d’un côté, la volonté de contrôle financier pour éviter un déséquilibre (clubs déficitaires, dérives salariales). De l’autre, la quête de reconnaissance individuelle des joueurs, notamment autour de leur image, qui constitue aussi un revenu personnel.
Autrement dit, le capitaine du XV de France met en lumière une contradiction : alors que le rugby engrange des recettes croissantes, les cadres imposés aux joueurs pèsent sur leur liberté. La LNR, pour sa part, se défend en soulignant que le système n’interdit pas l’exploitation de l’image, mais encadre certains cas pour prévenir les dérives. Reste à voir si ce duel de communication aboutira à des compromis concrets. Le calendrier est désormais lancé : l’année 2026 pourrait voir l’ouverture d’un sacré chantier.