« Service après plaquage » : Olivier Miranda, du rugby au tennis, sans faute de frappe

À 62 ans, Olivier Miranda a toujours concilié les plaquages et les passing-shots. Né à Clermont, demi de mêlée du RC Mauriac avant d’en devenir le coach… de tennis, il vit toujours dans la cité cantalienne où il mêle la rigueur de l’ovalie à la finesse de la balle jaune. Entre force et toucher, il a fait du sport un art de vivre et de transmission. Portrait d’un homme qui n’a jamais cessé de jouer collectif, même seul sur un court.
Même sur le terrain de tennis, Olivier Miranda ne lâche pas son short du RCT. Photo fournie par Olivier Miranda.
Même sur le terrain de tennis, Olivier Miranda ne lâche pas son short du RCT. Photo fournie par Olivier Miranda.

« Service après plaquage » : Olivier Miranda, du rugby au tennis, sans faute de frappe

À 62 ans, Olivier Miranda a toujours concilié les plaquages et les passing-shots. Né à Clermont, demi de mêlée du RC Mauriac avant d’en devenir le coach… de tennis, il vit toujours dans la cité cantalienne où il mêle la rigueur de l’ovalie à la finesse de la balle jaune. Entre force et toucher, il a fait du sport un art de vivre et de transmission. Portrait d’un homme qui n’a jamais cessé de jouer collectif, même seul sur un court.

Ancien rugbyman à l’épaule cabossée, devenu entraîneur de tennis à la gestuelle chirurgicale, Olivier Miranda passe sa vie à jongler entre le muscle et la mesure. Sur un court ou sur un terrain, il a trouvé le même souffle : celui du combat juste, du geste franc, de la beauté du jeu. Portrait d’un passeur entre deux mondes que tout oppose – sauf la passion.

À Mauriac, dans le nord du Cantal, tout le monde connaît « Oliv ». Sa silhouette légèrement arquée, son sourire de vieux gamin, sa voix posée de pédagogue. Une « gueule », comme on dit sur place. Sur les courts du club municipal, le filet tendu face à la brume du matin, il aligne les cônes, pose les balles, ajuste le geste. Une précision d’horloger, héritée d’une autre vie – celle des mêlées serrées du dimanche. Car avant d’être le joueur et l’entraîneur respecté du tennis club, Olivier Miranda est demi de mêlée au RC Mauriac, ce rôle d’équilibriste entre les colosses. « À ce poste, il faut penser vite, parler clair, et oser se frotter aux grands« , résume-t-il dans un rire doux, qui cache mal la nostalgie.

On distingue encore la vivacité du petit 9 qui n’a jamais cessé de plaquer la vie. Olivier Miranda, « 60 et des brouettes« , l’œil qui frise, a troqué le ballon oval pour la balle jaune sans vraiment changer de terrain. « Au fond, c’est toujours une histoire de trajectoire« , dit-il, le sourire en coin, comme s’il servait déjà la métaphore parfaite. Car chez lui, le sport n’est pas un simple loisir : c’est une grammaire du corps, un langage à travers lequel il écrit depuis qu’il sait courir.

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Mâchoire brisée

Né à Clermont, il aurait pu rêver du Michelin et de l’ASM. Mais c’est à Mauriac qu’il a planté ses racines. Un club de copains, des troisièmes mi-temps fleuries, la boue qui colle et le cuir qui claque. Le rugby, pour lui, n’était pas un sport : c’était une fraternité en mouvement. « Ce que j’aimais, c’était sentir les autres respirer à côté de moi. On ne triche pas dans une mêlée. » Puis le corps a rappelé ses droits. Une épaule fatiguée, une hanche qui proteste, et toutes ces vieilles blessures qui s’invitent sans prévenir. Avant le coup de poing de trop, en 91, reçu derrière la tête et une mâchoire brisée. Qu’importe, ce jour-là, le grand Sarlat avait chuté à Jean Lavigne, contre le petit de la poule, qui descendra en honneur quelques semaines plus tard. « Je ne pouvais plus plaquer. Alors, j’ai choisi de continuer à transmettre, autrement.« 

Ce « autrement« , c’est la petite balle jaune, qu’il a finalement toujours gardée dans sa poche (classé 2/6 à son prime, quand même!). À première vue, un virage à 180 degrés. En réalité, une translation. Là encore, il s’agit de lecture, d’anticipation, de rythme. « Sur un court, tu apprends à écouter le temps« , confie-t-il. La balle devient l’équivalent de la mêlée : un point d’impact, un instant où tout bascule. Le duel n’est plus collectif, mais intérieur. « Le rugby m’a appris la solidarité, le partage, la communion. Le tennis m’a appris la solitude, le dépassement individuel de soi.« 

« Dans le rugby, tu passes la balle en arrière pour avancer. Au tennis, tu recules pour mieux frapper et avancer. Dans les deux cas, tout est question de rythme et de lecture.« 

Olivier Miranda

Entre les deux, Miranda a bâti une philosophie du mouvement : avancer sans forcer, frapper sans détruire. Deux sports complémentaires, faits de déplacements, de petits pas d’ajustement, de tensions. « Mais au tennis, on se bat seul contre l’adversaire, seul contre soi-même. » Et quand l’un prend fin au bout de 80 minutes, l’autre n’est jamais fini. « C’est peut-être pour ça que je préfère pratiquer le tennis et regarder le rugby« , expose-t-il, tout sourire. Pas le même état d’esprit non plus. Les valeurs de l’ovalie d’un côté, qui ne sont plus à démontrer, un aspect plus individualiste et auto-centré de l’autre.

À Mauriac toujours, sur ces mêmes terres où l’hiver gèle les filets et où l’été sent la craie et la sueur, Miranda s’est mis au tennis comme on reprend le fil d’une histoire : avec humilité et curiosité. Très vite, il en a saisi les correspondances. « Dans le rugby, tu passes la balle en arrière pour avancer. Au tennis, tu recules pour mieux frapper et avancer. Dans les deux cas, tout est question de rythme et de lecture. » Son œil de stratège, affûté dans les rucks, s’est mis à décoder les trajectoires. La mêlée est devenue un échange, la passe un service, la pression celle d’un tie-break au bout du souffle.

Un Auvergnat supporter du RCT

Sur le court, Miranda parle peu, mais juste. « Plie les genoux. Respire. Sens la balle. » Ses élèves – gamins, ados, adultes du coin – l’écoutent avec une sorte de respect tranquille. Il n’impose rien, il accompagne. « Il a ce truc rare : il te fait aimer ton effort« , paraît-il. Chez lui, la pédagogie passe par le regard, pas par le cri. « Le tennis, c’est comme une mêlée : faut écouter le silence. » Il les accueille avec une poignée de main ferme et une attention rare. Ses entraînements ressemblent à des ateliers de vie : il y parle autant de placement que de patience, de prise de balle que de confiance. Sur le banc, Miranda ne crie jamais. Il souffle, conseille, ajuste. « Le tennis, c’est du rugby lent« , plaisante-t-il. Une discipline du souffle, une élégance du contrôle. « Ce que j’aime, c’est quand la puissance trouve sa ligne.« 

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Son parcours déroute les puristes, fascine les curieux. Certains le voient comme un transfuge, un drôle de passeur entre deux sports qui s’ignorent. Lui refuse les cases. Ce lien entre les deux mondes, il le cultive dans les mots, dans la pédagogie, dans le rapport au corps. Il cite souvent les gestes, un peu moins les scores. « Ce qui reste d’un match, ce n’est parfois pas le résultat. C’est le frisson.« 

Supporter du RCT depuis toujours – paradoxe d’un Auvergnat au cœur varois -, il revendique ce goût du panache. « Toulon, c’est la grinta, la démesure, la ferveur. Mais aussi le respect. Et je voulais surtout faire l’inverse de mes potes« , souffle-t-il. Quitte à se retrouver sur une aire d’autoroute, le maillot rouge et noir sur les épaules, entouré d’une « armée de jaunards« , à quelques heures d’une demi-finale de Top 14, à Saint-Etienne. Un sacré « contre-pied« .

« Le rugby, c’est ma jeunesse. Le tennis, ma continuité. »

Olivier Miranda

Sur son terrain, et derrière 40 ans d’enseignement (qu’il fêterait en très grande pompe en août prochain), toujours son petit short court de rugby. Du RCT de préférence, ou du RC Mauriac. On devine dans sa voix le même amour du jeu pur, celui qui transcende les maillots. Le week-end, il regarde encore les matchs, comme ceux du Stade Aurillacois (son « autre » club) une tasse de café à la main, comme on retrouve de vieux amis. « Le rugby, c’est ma jeunesse. Le tennis, ma continuité. »

Le « Tenn-rug », futur projet ?

Miranda a concilié les deux. Jusqu’au « Tenn-rug« , la parfait mélange, qu’il a testé avec un de ses deux fistons, l’objectif étant d’envoyer au pied le ballon oval de l’autre côté du filet, et d’obliger son adversaire à le réceptionner après un rebond. Pas simple. Mais comme pour tout, l’important « c’est de rassembler« . Par tous les moyens. « Oliv », l’écrivain cette fois – car il s’est aussi faire ça – a donc adapté une pièce de théâtre issue d’un de ses romans, conclue par une Pena Baiona qui, de mémoire d’anciens, a été entendue dans tout le nord du Cantal. Des histoires de vie, là encore, pour ce grand festif, sans « regrets« .

Olivier Miranda n’a jamais vraiment quitté le terrain. Il a simplement changé de ligne : celle d’en-but contre celle de fond de court. Dans les deux, il retrouve ce qu’il cherche depuis toujours : l’équilibre entre puissance et précision, le goût du collectif jusque dans le geste solitaire. Et quand il sert la dernière balle du jour, dans le silence tiède du soir mauriacois, on pourrait jurer qu’il entend encore, quelque part derrière le grillage, le grondement lointain d’une mêlée.

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